Mieux respirer : les progrès de la lutte antitabac en Fédération de Russie

Galina Sakharova

Entretien avec la professeure Galina Sakharova

La Fédération de Russie affichait l’un des taux de prévalence du tabagisme les plus élevés au monde. Or, la situation évolue au fil des ans. La professeure Galina Sakharova est à l’avant-garde de la lutte contre le tabagisme depuis plus de 20 ans, et est aussi l’une des championnes de la lutte antitabac de l’OMS en 2019. Dans un entretien, elle explique comment la situation a évolué dans son pays depuis 2013, et quels sont les nouveaux défis à relever.

En 2013, la professeure Sakharova a contribué à l’élaboration d’une nouvelle loi fédérale sur la lutte antitabac pour la Fédération de Russie, d’ailleurs saluée comme étant l’une des législations les plus complètes au monde à ce sujet. Depuis son adoption, la professeure Sakharova a vu les attitudes à l’égard du tabac changer considérablement dans le pays.

Les espaces publics sans fumée sont aujourd’hui très appréciés, même par les fumeurs. Comme le fait d’ailleurs remarquer la professeure Sakharova, « presque tout le monde pense que le tabac est un produit dont l’accès devrait être restreint en raison de son impact nocif sur la santé ». Il s’agit d’une avancée remarquable si l’on considère qu’il y a à peine 10 ans, 39,1 % de la population russe fumait selon l’Enquête mondiale sur le tabagisme chez les adultes.

La réduction de la prévalence du tabagisme dans le pays ainsi que le changement d’attitude à cet égard témoignent du travail acharné mené par la professeure Sakharova et d’autres experts dans ce domaine. Néanmoins, elle affirme qu’une baisse de la prévalence ne doit pas occulter les défis à venir. La professeure Sakharova souligne que la proportion de fumeurs présentant un degré élevé de dépendance à la nicotine augmente, et que la dépendance de certains d’entre eux est si importante qu’ils ont besoin d’une aide médicale pour arrêter de fumer.

La dépendance à la nicotine est donc devenue sa priorité la plus récente. Elle est la conséquence inévitable de l’usage du tabac, et la professeure Sakharova la considère comme le principal facteur du tabagisme. Le travail effectué par la professeure Sakharova dans ce domaine l’a menée à participer à l’élaboration de directives cliniques pour le traitement de la dépendance à la nicotine, que le ministre russe de la Santé a d’ailleurs approuvées l’an passé.

La perception erronée selon laquelle les produits du tabac sans fumée (comme les cigarettes électroniques utilisées pour le vapotage) sont plus sûrs que les cigarettes est un problème également abordé par ces très importantes études. Afin d’encourager les progrès en matière de lutte antitabac, la professeure Sakharova souligne qu’il faut s’attaquer à la question de la forte prévalence des agents de santé qui consomment des produits du tabac, notamment par une formation sérieuse au sevrage tabagique.

Selon la professeure Sakharova, la priorité accordée à la santé pulmonaire lors de la Journée mondiale sans tabac de cette année constitue une excellente occasion d’informer le public, en particulier les fumeurs, de la gravité de la situation. Les fumeurs estiment souvent que la toux est une conséquence inoffensive ou mineure du tabagisme, alors qu’en réalité, elle peut indiquer une situation beaucoup plus grave. Si l’on explique aux gens du monde entier que la toux peut être le premier signe d’une maladie pulmonaire grave, il est également possible d’intervenir plus rapidement.

Bien que beaucoup reste à faire en Fédération de Russie, la tendance est en train de s’inverser en matière de tabagisme. Les avancées réalisées dans ce domaine sont dues à l’engagement pris par les dirigeants du pays envers la santé, ainsi qu’à la ténacité des chercheurs et des spécialistes de la lutte antitabac comme la professeure Sakharova.