Questions et réponses (Q et A) sur les flambées épidémiques d'Allemagne et de France

7 juillet 2011

Qu'est-ce qui provoque ces flambées épidémiques ?

Elles sont causées par une infection due à O104: H4, unsouche rare de la bactérie Escherichia coli entérohémorragique (EHEC). Celle-ci peut provoquer des colites hémorragiques (diarrhées sanglantes) évoluant parfois vers un syndrome hémolytique et urémique (SHU). Le SHU peut entraîner une insuffisance rénale et avoir une issue fatale. C'est là une grave complication d'E. coli productrice de toxines de type Shiga (STEC), également dite E. coli productrice de vérotoxines (VTEC).

E. coli est assurément très commun, alors pourquoi s'inquiéter ?

Oui, E. coli est une bactérie commune, et normalement inoffensive, que l'on trouve dans l'intestin de l'homme et des animaux à sang chaud. Cependant, ce sérotype précis est dangereux et n'avait pas encore été signalé dans le cadre d'une flambée épidémique.

Il s’agit d'une importante flambée épidémique présentant plusieurs caractéristiques singulières. Entre le 22 mai et le 30 juin, plus de 4000 personnes sont tombées malades en Allemagne et 49 sont mortes, dont une en Suède. Elle a - ce qui est inhabituel - affecté surtout des personnes auparavant en bonne santé, de sexe féminin et de plus de 20 ans. Des cas se sont produits dans 15 pays autres que l'Allemagne, généralement chez des personnes ayant voyagé en Allemagne ou reçu un visiteur de ce pays.

 A-t-il gagné la France ?

Entre le 22 et le 28 juin, les autorités françaises ont rapporté que huit personnes souffrant d'un SHU se trouvaient à l'hôpital et que huit autres avaient des diarrhées sanglantes. Les personnes malades n'avaient aucun contact avec l'Allemagne et ne s'étaient pas rendues dans ce pays, mais il a été confirmé que quatre d'entre elles présentaient le même sérotype rare, E. coli O104:H4 (le seul décès notifié n'était pas dû à E. coli O104:H4). Les analyses ont montré qu'il est impossible de faire une distinction génétique entre les deux souches, ce qui semble indiquer que ces flambées épidémiques ont une source identique. Il y a aussi un cas isolé en Suède.

Quel est le lien entre les deux flambées épidémiques, alors ?

Une enquête poussée a révélé que des graines et fèves germées étaient probablement le véhicule de l'infection en Allemagne. Les autorités françaises ont rapporté que neuf patients avaient mangé des graines/fèves germées parsemant une soupe de légumes froide dans une école locale. Ceci a provoqué des inquiétudes au sujet des graines germées, de sorte que les autorités chargées de la sécurité sanitaire des aliments tentent de trouver l'origine de celles-ci. Désormais, un volet important de l'enquête est consacré à cette tâche, quoique toutes les options doivent faire l'objet d'une investigation.

De quel ordre sont les enquêtes menées ?

Les autorités françaises mènent des analyses épidémiologiques, remontent la chaîne alimentaire, communiquent au sujet des risques impliqués et recherchent tous les vecteurs possibles de l'infection. Les graines germées suspectées en France ne provenaient pas de la ferme allemande incriminée, mais il faudra des données plus détaillées et une enquête plus poussée pour découvrir si :

  • les pousses de légumes sont effectivement coupables ;
    les graines des pousses impliquées dans ces deux pays sont du même type et de la même origine ;
    les graines viennent du même producteur/pays ; 
    il y a des pousses ou des graines contaminées dans d'autres pays.

Qui mène l'enquête ?

Les autorités allemandes ont mené des enquêtes approfondies ; elles ont interrogé des milliers de personnes et effectué de la recherche. Il est extrêmement difficile de trouver l'origine de graines provenant peut-être de pays extérieurs à la Région européenne de l'OMS. Afin de soutenir les autorités françaises et allemandes dans leur tâche et à la demande de la Commission européenne (CE), l'European Food Safety Authority (EFSA) a mis en place une Task Force afin de coordonner la recherche de la source de toute semence contaminée utilisée pour la germination. Avec des experts de la CE, certains États membres de l'Union européenne (UE) et le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC), l'OMS a fourni une expertise technique, avec l'appui des centres collaborateurs de l'OMS, et facilité l'obtention d'informations, notamment en dehors de l'UE. Le rapport de la Task Force et ses conclusions peuvent être consultés sur le site Web de l'EFSA, à l'adresse suivante : http://www.efsa.europa.eu/fr/press/news/110705.htm.

Quelles ont été les conclusions de cette Task Force ?

Il a conclu que d'un lot de graines de fenugrec, importées d'Egypte et utilisées pour produire des pousses, était le point commun le plus probable entre les deux flambées épidémiques.

Pourquoi les fèves germées sont-elles un vecteur d'infection plausible ?

Un lien a été établi entre beaucoup d'épidémies récentes de maladies d'origine alimentaire et les graines/fèves germées. Depuis 2000, il y a eu dans le monde 28 flambées épidémiques provoquées soit par E. coli, soit par Salmonella dans des graines germées. En 1996, au Japon, plus de 9000 personnes sont tombées malades à cause d'E. coli (0157:H7) après avoir consommé des germes de radis. Un rapprochement a été fait entre des flambées épidémiques dues à E.coli et Salmonella et des pousses de luzerne, de trèfle et de radis, ainsi que des fèves germées.

Au stade de pousses, les graines/fèves présentent un risque élevé de contamination par des bactéries en raison des conditions requises pour leur germination. Elles sont cultivées dans des cylindres contenant de la vapeur. Si des bactéries sont présentes, ce processus met en place des conditions idéales pour qu'elles se développent. Les pratiques appliquées pour le traitement, l'expédition et la vente des graines impliquent souvent de mélanger de multiples lots de graines de différentes origines, de sorte qu'il est difficile de remonter la chaîne alimentaire et qu'il y a un risque réel de contamination croisée entre les graines. Cela peut compliquer fortement la recherche de la source exacte d'une flambée épidémique.

Que fait l’OMS par rapport aux flambées épidémiques ?

Le Règlement sanitaire international exige que tous les pays informent l'OMS de tout événement pouvant constituer une urgence de santé publique de portée internationale. L'OMS aide à coordonner l'échange d'informations et la collaboration dans le monde entier grâce à des mécanismes internationaux de notification tels que le Réseau international des autorités de sécurité sanitaire des aliments (INFOSAN - initiative conjointe de l'OMS et de l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture). L'OMS assure la liaison avec son Centre collaborateur pour la référence et la recherche sur Escherichia et Klebsiella au Statens Serum Institut (Danemark) et est en contact avec le ministère français de la Santé et l'Institut de veille sanitaire (InVS, France). L'OMS assure également une coordination avec la CE, l'ECDC et l'EFSA. L'échange d'informations sur une flambée épidémique de ce type permet aux pays non touchés de savoir ce qu'il se passe et d'agir en conséquence.

Quels conseils l'OMS donne-t-elle à la population ?

Au cours de flambées épidémiques précédentes, provoquées par des souches différentes, de nombreuses autorités sanitaires ont recommandé que les personnes particulièrement vulnérables - comme les jeunes enfants, les personnes âgées et les personnes ayant un système immunitaire affaibli - évitent de manger des graines/fèves germées. Etant donné qu'en Allemagne et en France, la flambée épidémique a surtout touché des adultes en bonne santé, l'OMS étend cette recommandation à l'ensemble de la population.

Les bactéries E. coli sont tuées à une température de cuisson de 70 ° C. Tant que les enquêtes se poursuivent pour déterminer la source de l'infection, l'OMS conseille aux consommateurs de la Région européenne, par mesure de précaution, de ne manger de fèves ou de graines germées - qu'elles aient été cultivées par un exploitant ou à domicile - qu'après les avoir parfaitement cuites. Comme il est difficile de mesurer la température des graines et fèves germées, l'OMS recommande de les cuire jusqu'à ce que la cuisson dégage de la vapeur, et non uniquement jusqu'à ce qu'elles soient chaudes. Il convient de laver soigneusement les fèves/graines germées à l'eau claire, de les cuire jusqu'à ébullition avant de les consommer, de laver soigneusement tout ustensile ayant été en contact avec elles et de se laver les mains après les avoir cuisinées. Ces dernières procédures sont également à recommander lorsque l'on manipule des graines pour les planter ou les faire germer.
De plus, il convient de toujours respecter les mesures d'hygiène alimentaire normales : laver soigneusement fruits et légumes à l'eau courante propre, se laver les mains après un passage aux toilettes et avant/après avoir manipulé des aliments, conserver séparément les aliments cuits et crus et employer des ustensiles différents pour les cuisiner, et cuire parfaitement les aliments.

Quelle est la durée de la période d'incubation de cette infection ?

Elle est généralement de 48 à 72 heures, mais peut varier de 1 à 10 jours.

Quels en sont les symptômes ?

Les symptômes de la maladie sont notamment des crampes abdominales et de la diarrhée, éventuellement avec émission de sang. On observe parfois de la fièvre et des vomissements. Dans la plupart des cas, la guérison s’obtient dans les 10 jours, mais chez un petit nombre de patients (en particulier le jeune enfant et la personne âgée, bien que ces groupes ne prédominent pas dans le cas de la flambée épidémique que nous connaissons), l’infection peut conduire à une affection engageant le pronostic vital, comme le SHU.

Que faire si j'ai la diarrhée ?

Les personnes qui présentent des symptômes, notamment une diarrhée importante ou sanglante, consulteront immédiatement leur médecin généraliste. Il convient qu'elles veillent à une rigoureuse hygiène des mains, notamment si elles sont en contact avec de jeunes enfants et des personnes immunodéprimées. Elles ne devraient pas, de leur propre initiative, prendre d'antidiarrhéiques ou recourir à des antibiotiques, car ces médicaments pourraient aggraver la situation. Les professionnels de la santé et les autorités sanitaires veilleront à être informés de la manière de diagnostiquer et de traiter ces patients et de signaler tous les cas aux autorités nationales.

Lors des précédentes flambées épidémiques dues à E. coli, quelle était la source de l'infection ?

Il s'agissait notamment de :

  • Produits traités à base de viande provenant de bovins dans des hamburgers, des kebabs et du salami,
  • Lait et fromages crus,
  • Légumes crus, comme par exemple du chou, de la laitue, des épinards, ainsi que des germes de radis et de luzerne,
  • Fruits, dont des melons, et jus de pomme,
  • Un contact avec un lac, un étang, une pataugeoire ou une piscine (dans les épidémies d'origine hydrique),
  • Un contact direct avec des chèvres, des moutons ou d'autres ruminants dans des zoos pour enfants.

Se pourrait-il que des flambées épidémiques de cette infection rare se produisent dans d'autres pays ?

Des épidémies d'origine alimentaire se produisent tout le temps en de nombreux points du globe, et cette bactérie pourrait apparaître ailleurs. Sans plus d'informations sur la source précise de la contamination, aucune prédiction ne peut être formulée. Une fois que la source de la flambée épidémique sera mieux établie (ce qui ne sera pas une tâche facile), il sera plus facile de limiter les risques que de nouvelles flambées éclatent.

Toute épidémie d'origine alimentaire peut s'étendre si le vecteur ou la source n'est pas identifié rapidement et si la population continue à consommer des aliments contaminés. C'est pourquoi il est si important de déterminer la source de la contamination.

Pourquoi les enquêtes sur les maladies d'origine alimentaire durent-elles si longtemps ?

Les bactéries peuvent être transmises de bien des manières : par l'eau, la nourriture ou des objets. La recherche de la source concernée fait intervenir de nombreux organismes, des tests de laboratoire complexes, des études et un traçage; elle nécessite d'isoler les bactéries et d'enquêter minutieusement sur la manière dont les patients ont été exposés.

Comment les bactéries se transmettent-elles à l'homme ?

Les bactéries se transmettent par voie fécale/voie orale, et la consommation d'aliments contaminés est un vecteur fréquent de l'infection. L'infection due à ECEH peut également être provoquée par de l'eau contaminée ou par un contact avec des animaux ou des personnes malades, en l'absence de contrôle adéquat. Une personne peut transmettre l'infection à une autre par manque d'hygiène, par exemple en négligeant de se laver les mains après être allée aux toilettes et/ou avant de manipuler des aliments. La transmission interhumaine a été constatée lors d'épidémies précédentes dues à E. coli, par exemple dans certains établissements.