Un nouveau rapport de l’OMS décrit les avantages et les inconvénients d’un dépistage reposant sur des données probantes

Depuis longtemps, les autorités de la santé publique sont conscientes du fait que divers programmes de dépistage peuvent amener une amélioration de la santé de la population. Cependant, selon un guide inédit et novateur de l’OMS/Europe sur le dépistage, les dommages potentiels et les coûts de la mise en œuvre de programmes de dépistage efficaces sont moins bien compris.

La publication de l’OMS intitulée « Guide succinct des programmes de dépistage : Accroître leur efficacité et optimiser le rapport entre leurs avantages et inconvénients » souligne que les programmes de dépistage s’inscrivent dans une longue tradition de la santé publique, et que la population les considère comme un élément essentiel et précieux du système de santé. Mais alors que les programmes de dépistage se multiplient, la population, les professionnels de la santé et les décideurs politiques se demandent si « faire plus » signifie vraiment « faire mieux ».

« Les programmes de dépistage fondés sur des données probantes ont l’immense potentiel d’améliorer les résultats en matière de santé publique et de permettre une progression vers la couverture sanitaire universelle. Moyennant une organisation efficace, ils peuvent prévenir les maladies, limiter les incapacités et faire reculer la mortalité », déclare le docteur Hans Kluge, directeur régional de l’OMS pour l’Europe. « Mais des questions telles que : L’assise factuelle est-elle solide ? Quel est le rapport entre avantages et inconvénients ? Peut-il y avoir des dilemmes d’ordre éthique ? Des intérêts commerciaux sont-ils en jeu ? Est-ce que cela va aggraver le manque d’équité ? Ces questions restent souvent sans réponse. »

Selon le rapport, lorsque l’on dispose d’indices clairs qu’un dépistage précoce sera, dans l’ensemble, bénéfique pour les personnes qui le subiront et qu’un traitement de suivi est disponible, il peut être indiqué de concevoir et de mettre en œuvre un programme de dépistage structuré. Mais si les mesures de dépistage sont inefficaces, voire dommageables, il vaut mieux employer ces mêmes ressources autrement pour améliorer la santé de la population.

Mise en œuvre de programmes de dépistage

La décision de mettre en œuvre ou non un programme de dépistage devrait être fondée sur des bases factuelles actualisées, dont une analyse économique en vue d’étudier son rapport coût-efficacité et ses répercussions pour les ressources humaines, financières et autres.

C’est particulièrement important vu l’émergence de nouvelles technologies, telles que les marqueurs biologiques, les nouvelles techniques d’imagerie ou les technologies intelligentes, car il est possible que les bases factuelles à leur sujet ne soient pas bien établies. Lorsque cela est possible, les décisions concernant le dépistage devraient être étayées par une modélisation des coûts et des avantages au sein de diverses populations.

Une fois que la décision de mettre en œuvre un programme de dépistage a été prise, le processus doit comprendre la définition d’une série d’étapes séquentielles sur un parcours, la première étant d’identifier la population remplissant les conditions requises pour le dépistage et la dernière de s’assurer qu’un traitement est dispensé de manière aussi efficace que possible à tous ceux qui en ont besoin.

Ces mesures peuvent sembler simples, mais la création d’un programme de dépistage complet, organisé et de qualité garantie pour la population est une tâche complexe, qui requiert de nombreuses ressources et un renforcement des capacités tant dans le secteur de la santé qu’en dehors.

L’étalon-or

Un rapport de l’OMS rédigé en 1968 par Wilson et Jungner reste l’étalon-or pour déterminer si un programme de dépistage est indiqué. En bref, la maladie doit être pernicieuse et il doit y avoir un moyen efficace de la soigner pour prévenir sa progression, en atténuer les effets ou, idéalement, la guérir. Il est également crucial de mettre en place un processus de dépistage qui soit efficace, acceptable et d’un coût abordable.

Pourtant, ces principes ne sont pas toujours respectés – des programmes inefficaces, voire dommageables, existent ou sont mis en œuvre en ce moment même. Cela peut être dû à diverses pressions en rapport avec les aspects demande et offre du dépistage, dont les intérêts commerciaux de l’industrie des soins de santé. Par exemple, les fabricants d’équipements utilisés pour le dépistage emploient des stratégies de marketing pour stimuler la demande de la population, des décideurs politiques et des professionnels de la santé.

Toute stratégie pour un nouveau programme de dépistage doit tenir compte du rôle joué par les différents acteurs qui déterminent la demande et l’offre, notamment les patients et la population, les décideurs politiques, les professionnels de la santé et l’industrie des soins de santé.

Les 11 et 12 février 2020, l’OMS/Europe accueillera la Conférence européenne de l’OMS sur le dépistage, qui vise à accroître l’efficacité des programmes de dépistage dans la Région européenne de l’OMS afin d’optimiser le rapport entre avantages et inconvénients.

Messages clés

• Le dépistage peut apporter des avantages mais aussi des inconvénients ; ce n’est pas parce qu’il peut être effectué qu’il doit l’être – et il se peut qu’une autre affectation des mêmes ressources soit plus indiquée.
• Un dépistage au sein de la population doit être effectué dans le cadre d’un programme de dépistage organisé, comprenant certains éléments essentiels, depuis l’identification des populations cibles jusqu’au traitement, au suivi et à l’évaluation.
• Les principes de Wilson et Jungner restent la référence pour décider de la mise en œuvre, de la poursuite ou de l’arrêt des programmes de dépistage.
• Il faut faire preuve de prudence lorsqu’on décide de mettre en œuvre un programme de dépistage, afin de se protéger contre le risque représenté par les intérêts commerciaux et une demande induite par les fournisseurs.
• Il est essentiel de repérer les obstacles pour maximiser l’efficacité des programmes et mettre en place des mesures pour surmonter ces entraves.