Allocution du directeur général, le docteur Tedros Adhanom Ghebreyesus
16 septembre 2019
Votre Altesse Royale Princesse Mary
Monsieur Magnus Heunicke, Président de la soixante-neuvième session,
Monsieur Ioannis Baskozos, Président exécutif,
Docteure Zsuzsanna Jakab, Directrice régionale,
Professeur Ola Rosling,
Mesdames et messieurs les ministres, mesdames et messieurs les chefs de délégation,
Chers collègues et amis,
God morgen. Je suis ravi d’être de retour à Copenhague, ville à laquelle je suis profondément attaché et dont je garde un excellent souvenir.
En fait, c’est Copenhague qui a fait de moi un adepte de la couverture sanitaire universelle. C’est le pays où j’ai eu une assurance-maladie pour la première fois de ma vie, à 23 ans.
J’ai passé quatre mois ici, mais j’ai bénéficié d’une assurance-maladie pendant un an. J’étais curieux de savoir à quoi pouvait ressembler le système de santé pour les Danois si les étrangers étaient ainsi couverts.
J’ai constaté ensuite que tous les Danois étaient couverts, ce qui m’a convaincu que la couverture sanitaire universelle était possible et a fait de moi un ardent défenseur de la CSU.
Mais il n’y a pas que le Danemark. J’ai fait mon Masters au Royaume-Uni trois ans après, en 1991, et j’ai vu par moi-même le système de santé national. J’ai été surpris d’apprendre quand il avait été créé au Royaume-Uni, immédiatement après la seconde guerre mondiale, quand l’économie était à genoux.
Ce fut une grande leçon pour moi. Dans le cadre de mon doctorat, j’ai étudié en Suède, ce qui a fait de moi un partisan de la CSU plus convaincu encore.
J’ai d’autres souvenirs du Danemark, notamment qu’il y avait plus de vélos que de voitures, et une piste séparée pour les cyclistes.
Alors merci, le Danemark, d’avoir fait de moi un adepte de la couverture sanitaire universelle.
Merci, Votre Altesse Royale, pour votre soutien à l’OMS, pour le rôle moteur que vous jouez dans le domaine de la santé et pour vos observations motivantes de ce matin. Je vous présente mes plus sincères remerciements et vous témoigne mon profond respect.
Je suis également ravi d’être présent à la dernière réunion du Comité régional à laquelle ma sœur Zsuzsanna participe en tant que Directrice régionale.
Sous sa direction, la Région a fait de grands progrès ces 10 dernières années.
L’un des grands volets de l’activité de la Région au cours des 10 dernières années est Santé 2020, le cadre stratégique adopté par les États Membres pour améliorer les résultats sanitaires et réduire les inégalités en santé.
Il y a de nombreux succès à saluer, comme vous le savez.
L’espérance de vie augmente dans la Région et les écarts d’espérance de vie entre pays et entre hommes et femmes se rétrécissent.
La mortalité infantile et maternelle a reculé.
La mortalité prématurée due aux maladies non transmissibles est en baisse et la Région est en bonne voie pour atteindre la cible des ODD. Ces résultats sont remarquables. Vous montrez l’exemple au reste du monde, soyez-en fiers.
La plupart des pays ont désormais une politique ou un plan pour agir sur les déterminants de la santé et lutter contre les inégalités en santé.
Le Bureau régional a par ailleurs été en première ligne de l’action menée pour promouvoir la santé des réfugiés et des migrants et parer à la menace de la résistance aux antimicrobiens.
On ne peut que se réjouir de ces réalisations.
Mais il reste d’importants problèmes pour le prochain Directeur régional et pour vous, les États Membres.
Il y a encore de grandes inégalités dans les pays et entre les pays.
Il y a par exemple un écart de plus de 10 ans entre les pays où l’espérance de vie est la plus courte et ceux où elle est la plus longue.
Le tabagisme demeure par trop répandu et la consommation d’alcool est la plus importante au monde.
Le surpoids et l’obésité sont de plus en plus fréquents.
Les dépenses de santé directes représentent plus de 30 % des dépenses de santé totales dans plus de 20 pays, principalement à cause du prix des médicaments.
Les taux de vaccination sont élevés dans toute la Région, mais là aussi, il y a d’importantes disparités.
À cause d’une faible couverture au niveau national ou dans des poches à l’intérieur des pays, les épidémies de rougeole se propagent rapidement.
Le nombre de cas de rougeole signalés dans le monde a doublé l’année dernière par rapport à 2017 et le nombre de cas enregistrés jusqu’à présent cette année dépasse déjà celui enregistré chaque année depuis 2006.
Comme vous le savez, quatre États Membres européens ont perdu récemment le statut de « pays exempt de rougeole ». C’est inacceptable.
Le Sommet sur la vaccination qui s’est tenu à Bruxelles la semaine dernière a été l’occasion de donner un nouvel élan pour redresser ces déséquilibres.
Une fois de plus, Votre Altesse Royale, nous vous remercions de votre soutien irremplaçable à la vaccination.
Le programme Santé 2020 arrive à son terme l’année prochaine, mais ses objectifs cadrent bien avec les objectifs de développement durable et avec le programme général de travail de l’OMS.
Comme vous le savez, le leitmotiv des ODD est de ne laisser personne de côté.
On ne peut tolérer un monde, ou une Région, où les riches sont en bonne santé et les pauvres malades.
Nous défendons la santé pour tous, pas la santé pour quelques-uns.
La résolution que vous allez examiner pour accélérer les progrès sur la voie de l’équité est donc essentielle pour notre mission.
Le leadership énergique indispensable en santé publique pour atteindre les cibles du triple milliard exigera aussi de vous un engagement politique durable.
Les problèmes de santé auxquels vous êtes confrontés ont un point commun : ils nécessitent tous une action au-delà du secteur de la santé.
Très souvent, le mal est déjà fait quand les gens arrivent dans les centres de santé et les hôpitaux.
Pour une Europe en meilleure santé, il faut dépasser le secteur de la santé pour s’attaquer aux causes profondes de la maladie dans l’air que nous respirons, les aliments que nous mangeons, l’eau que nous buvons et les conditions dans lesquelles nous vivons.
C’est une idée-force de l’OMS dans le cadre de sa transformation et du pilier « populations en bonne santé » que nous avons établi.
Aucun pays ne peut se contenter de traiter les effets du tabagisme, de la consommation nocive d’alcool et de la non-vaccination des enfants.
Nous devons nous employer sans relâche à promouvoir la santé et à prévenir les maladies.
C’est le chantier inachevé du programme Santé 2020 et vous devez continuer ce travail avec détermination, en vous attaquant à la racine du problème. On ne peut pas continuer à simplement soigner, il faut promouvoir la santé.
Dans la Région, la collaboration régionale pour la santé avec les parlements est particulièrement importante.
À la réunion de l’Union interparlementaire en Serbie le mois prochain, une résolution devrait être adoptée sur la couverture sanitaire universelle.
Il est indispensable d’obtenir le soutien des parlements pour créer le cadre réglementaire et stratégique que la santé demande.
À Astana l’année dernière, les pays du monde se sont réunis pour renouveler leur engagement en faveur des soins de santé primaires en tant que fondement de la couverture sanitaire universelle.
La réunion de haut niveau sur la couverture sanitaire universelle à l’Assemblée générale des Nations Unies la semaine prochaine fera écho à cet appel.
Les services de santé secondaires et tertiaires sont bien sûr un élément important de tout système de santé, mais plus on peut éviter ou retarder le moment d’y recourir, mieux c’est. Les soins de santé primaires sont cruciaux.
Consacrer un point de l’ordre du jour à l’accélération des progrès dans le domaine des soins de santé primaires est une excellente démarche pour traduire la volonté politique en idées concrètes.
Les 10 accélérateurs stratégiques couvrent une large gamme d’interventions scientifiquement fondées qui peuvent améliorer la performance des systèmes de santé et les résultats sanitaires.
Je suis heureux de constater que chacun d’eux est assorti « d’astuces numériques » qui aideront à utiliser les technologies modernes pour mettre en place ces accélérateurs.
La santé numérique est une idée-force de l’OMS dans le cadre de sa transformation.
Nous savons tous que l’avenir de la santé est numérique et nous voulons que l’OMS soit à la pointe du progrès dans ce domaine.
L’intelligence artificielle et les technologies numériques changent la manière dont les soins sont dispensés à tous les stades.
L’OMS peut apporter une contribution inestimable en conseillant les pays sur les moyens d’exploiter au maximum les possibilités qu’offrent les technologies numériques tout en évitant les pièges grâce à une réglementation adéquate.
C’est la raison pour laquelle l’OMS a créé un nouveau département de la santé numérique, pour contribuer davantage à évaluer les technologies numériques et aider les pays à décider comment les hiérarchiser, les intégrer et les réglementer.
Il est crucial d’exploiter le potentiel des technologies numériques pour la santé.
Mais le meilleur atout que nous ayons pour améliorer la santé des gens, ce sont les gens eux-mêmes.
Les gens peuvent n’avoir que rarement affaire au système de santé. Mais tous les jours, ils prennent des décisions qui ont des effets, même minimes, sur leur santé.
Il faut donner les moyens aux gens de prendre une part active à leur santé au lieu d’être des bénéficiaires passifs.
Il est possible de progresser dans bien des domaines qui vous préoccupent – la consommation de tabac et d’alcool et la vaccination, par exemple – en donnant aux gens les informations dont ils ont besoin pour faire les bons choix.
La feuille de route européenne pour l’éducation sanitaire est un excellent premier pas et j’ai hâte de connaître le plan d’action qui sera mis au point lors de la phase suivante. Je vous félicite de cette initiative.
Mais les États Membres n’ont pas besoin d’une feuille de route ou d’un plan d’action pour agir.
La feuille de route contient plusieurs exemples de pays qui ont pris l’initiative d’améliorer l’éducation sanitaire.
L’OMS est disposée à collaborer avec tous les États Membres pour concevoir et prendre des initiatives qui rendent les gens responsables de leur propre santé. L’action doit être axée sur les personnes.
Votre Altesse Royale, Excellences, chers collègues et amis,
L’OMS est résolue à faire en sorte que l’Europe soit en meilleure santé, plus sûre et plus équitable.
Et nous sommes résolus à devenir l’organisation dont vous avez besoin.
Depuis la dernière fois que nous nous sommes réunis il y a 12 mois, les Directeurs régionaux et moi-même avons beaucoup travaillé pour transformer l’OMS en une organisation souple qui agit de manière cohérente à ses trois niveaux pour atteindre les objectifs de développement durable. C’est pour cela que j’ai débauché Zsuzsanna !
Nous avons maintenant un nouveau budget programme pour financer le programme général de travail.
Pour élaborer ce nouveau budget, nous avons inversé notre processus de planification, de façon que les besoins des pays dictent l’activité du Siège et des Régions.
Pour la première fois dans l’histoire de l’Organisation, ses trois niveaux ont travaillé ensemble pour définir exactement ce que le Siège produira lors du prochain exercice.
De ce fait, nous disposons maintenant d’une liste de plus de 300 « biens de santé publique mondiaux » spécifiques, qui sont les outils techniques dont vous avez besoin pour progresser sur la voie des cibles du « triple milliard ». Ils viennent tous de la base.
Mais il n’y a pas que ce que nous faisons qui change ; la manière dont nous le faisons change aussi.
Notre nouveau modèle de fonctionnement met les trois niveaux de l’Organisation en adéquation et nous permettra de travailler ensemble avec plus d’efficacité et d’efficience.
Nous définissons ensemble la meilleure façon de contribuer à la réalisation des objectifs prioritaires des pays.
Nous nous employons à ce que l’action de l’Organisation soit axée sur les résultats et à obtenir ces résultats surtout au niveau des pays.
L’une de nos grandes priorités était de faire en sorte que tous les employés de l’OMS puissent rattacher leur travail aux priorités de l’institution.
Aujourd’hui, 75 % du personnel peut relier son travail quotidien au programme général de travail, contre seulement 47 % au début de l’année.
Nous sommes également résolus à accroître la diversité dans toute l’Organisation. Nous avons déjà pris plusieurs mesures à effet rapide.
Nous avons commencé à instaurer 13 processus nouveaux ou remaniés pour harmoniser et optimiser la manière dont nous travaillons, qu’il s’agisse de définir des normes et des critères ou de planifier, suivre la mise en œuvre et les résultats, recruter, faire des achats, communiquer, etc.
Nous avons également annoncé le projet d’académie de l’OMS, initiative de grande envergure conçue pour révolutionner l’enseignement dans le domaine de la santé à l’échelle mondiale et former les agents de santé à l’application des normes et des critères de l’OMS. Nous sommes convaincus que l’académie changera la donne dans l’action sanitaire mondiale.
L’accord a été signé avec le Président Macron, et l’académie sera basée à Lyon.
Excellences, chers collègues et amis,
Je vous lance trois défis pour l’année prochaine.
Premièrement, attaquez-vous aux causes profondes de la maladie.
Notre tâche en tant que professionnels de la santé publique ne consiste pas simplement à administrer un système de santé. Elle consiste à faire en sorte que les nations et les communautés soient en bonne santé.
Pour ce faire, nous devons collaborer activement avec nos collègues des secteurs des finances, du commerce, de l’agriculture, de l’énergie, des transports, de l’industrie, et d’autres secteurs encore. Nous devons nous attaquer aux causes profondes et promouvoir la santé. Il ne faut pas continuer à seulement soigner les maladies.
Deuxièmement, engagez-vous à renforcer l’éducation sanitaire.
Comme je l’ai dit, notre meilleur atout pour protéger la santé des gens, ce sont les gens eux-mêmes, et à cet égard, vous êtes sur la bonne voie.
Des informations exactes et fiables peuvent donner les moyens aux gens de prendre des décisions qui protègent leur santé et celle de leurs familles et de leurs communautés.
Troisièmement, faites des soins de santé primaires une priorité.
La plupart des problèmes auxquels vous êtes confrontés doivent être abordés au niveau primaire.
C’est au niveau des soins de santé primaires qu’on promeut la santé et prévient les maladies. Quand chacun dans la population a accès à des soins de santé primaires de bonne qualité, les inégalités sont moins grandes et les résultats meilleurs.
Comme l’affirme la Déclaration d’Astana, les soins de santé primaires sont le fondement de la couverture sanitaire universelle.
La réunion de haut niveau sur la couverture sanitaire universelle qui se tiendra à New York la semaine prochaine est une occasion cruciale de mobiliser un engagement politique en faveur des soins de santé primaires.
Nous comptons sur le soutien du plus grand nombre possible de chefs d’État et de gouvernement de la Région.
Enfin, ma sœur Zsuzsanna, je vous félicite d’avoir servi les Européens pendant 10 ans. Vous pouvez être fière à bien des égards et vous léguez un bureau régional en bon état à votre successeur.
J’ai beaucoup apprécié de travailler avec vous au sein du Groupe de la politique mondiale et je suis ravi de collaborer avec vous désormais dans votre nouvelle fonction de Directrice générale adjointe.
Ce que perd l’Europe, le monde entier le gagne. Je sais aussi que les États Membres ont façonné Zsuzsanna. Elle a contribué, et vous avez contribué, à faire d’elle celle qu’elle est aujourd’hui.
Je me réjouis à la perspective de collaborer avec le prochain Directeur régional. Il sera difficile de faire aussi bien !
Mes frères et mes sœurs, je vous remercie de votre engagement et de votre soutien.
Je souhaite que la réunion soit fructueuse et utile au travail que nous accomplissons ensemble pour promouvoir la santé, préserver la sécurité mondiale et servir les populations vulnérables.
Thank you so much. Vielen Dank. Merci beaucoup. Spasiba. Muchas gracias. Tak skal du have.