Cinquième Conférence ministérielle sur l’environnement et la santé: Discours inaugural

Mme Zsuzsanna Jakab, directrice régionale de l'OMS pour l'Europe

Mesdames et Messieurs les Ministres, vos Excellences, distingués délégués, Mesdames et Messieurs,

Bienvenue à la Cinquième Conférence ministérielle sur l'environnement et la santé. Après plusieurs mois de dur labeur et de préparation, nous nous réunissons enfin pour examiner comment nous pouvons poursuivre nos efforts en vue de faire de la Région européenne un endroit plus sain pour vivre, travailler et se distraire.

Au cours de ces 20 dernières années, depuis le lancement du processus européen Environnement et santé à Francfort, nous avons pris des engagements politiques, fixé de nouveaux objectifs, utilisé de nouveaux instruments pour orienter la prise de mesures aux niveaux national et international et continué à nous motiver par un échange de données d'expérience et de connaissances.

Les États membres n'ont pas seulement contribué à cette initiative de manière directe par leur participation active, mais aussi de manière indirecte en affectant des ressources financières au Centre européen de l'environnement et de la santé à Rome et à Bonn, et précédemment à Bilthoven. Grâce au soutien qu'ils ont consenti à ces centres, ils ont accru de manière significative la capacité du Bureau régional de l'OMS pour l'Europe à servir les États membres par l'apport d'aide et de conseils techniques de haut niveau.

Nous avons veillé à la participation active d'intervenants traditionnels et de nouveaux acteurs aux efforts de sensibilisation, à la mise en œuvre de programmes, à l'évaluation des progrès et au suivi des résultats afin de garantir l'adhésion de tous au processus.

Aujourd'hui, quand je vous vois tous assis dans cette superbe salle, je sais que votre présence ici témoigne de l'ensemble des efforts que nous avons accomplis au cours de ce processus. Et il s'agit de progrès visibles et concrets dans maints domaines. Je vais vous donner trois exemples :

  • les taux de mortalité imputables aux maladies diarrhéiques chez les jeunes enfants ont été réduits de cinq fois ces dernières années, notamment grâce à l'accès amélioré à l'eau salubre et à l'assainissement adéquat ;
  • les décès dus aux accidents de la route ont baissé de 40 % depuis le début des années 1990 ;
  • l'adoption de l'essence sans plomb sur quasiment tout le continent, et la baisse de 90 % des émissions de plomb qui en a résulté, ont entraîné une diminution de la plombémie chez les enfants.

Les nombreux partenaires et intervenants sont aussi les témoins des progrès réalisés à cet égard. Comme vous le savez sans doute déjà, le processus européen Environnement et santé a pris une dimension mondiale, et d'autres Régions de l'OMS, telles que la Région des Amériques en Argentine, la Région du Pacifique occidental à Manille et même la Région africaine, ont reconnu les efforts que nous menons ensemble, et nous emboîtent le pas. Ils sont présents aujourd'hui pour assister à nos débats, et essayer de trouver des solutions aux problèmes de santé publique auxquels nous sommes confrontés. La Commission européenne et ses agences telles que l'Agence européenne de l'environnement et le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies, la Commission économique des Nations Unies pour l'Europe et des organisations non gouvernementales collaborent plus étroitement avec nous et font confiance en notre orientation stratégique. Tout cela est de bon augure.

Cependant, rappelons-nous les raisons qui expliquent notre présence en ce lieu. Notre travail n'est pas encore terminé, et nous devons être conscients du chemin qu'il reste à parcourir. Dans la Région européenne, la charge de morbidité due aux déterminants environnementaux de la santé est toujours importante. La mondialisation, les mouvements de population, le changement climatique et, plus récemment, la crise financière mondiale, imposent de lourdes contraintes au système de santé de tous les pays de la Région. Ces défis, ainsi que d'autres défis, nécessitent la mise en œuvre d'interventions stratégiques plus puissantes et plus globales, notamment en ce qui concerne la lutte contre la pollution de l'air, l'accès à l'eau salubre et à un assainissement adéquat, pour veiller à la prévention des maladies et à l'amélioration des résultats pour la santé.

Mesdames et Messieurs, nous disposons d'informations factuelles particulièrement convaincantes :

  • plus de 92 % de la population urbaine vit encore dans des villes où les taux de matières particulaires dépassent les valeurs guides de l'OMS pour la qualité de l'air ;
  • dans beaucoup de pays, 80 % des enfants sont régulièrement exposés au tabagisme passif à la maison et à l'extérieur de chez eux ;
  • dans la Région, plus de 20 % de la population vit dans des habitations sujettes à l'humidité et aux moisissures.

La pénurie d'eau imputable au changement climatique et à la surpopulation génère déjà des conflits dans beaucoup de régions du monde. Les événements météorologiques extrêmes, l'évolution des températures, l'eau, l'air, la qualité et la quantité de nourriture auront un impact direct sur les prix, le niveau de vie et le bilan sanitaire des habitants de la Région européenne. Les modifications de la pollution de l'air et des niveaux des aéroallergènes, ainsi que l'évolution de la transmission des maladies infectieuses, pourraient également avoir de graves effets sur la santé de nos populations.

Je suis certaine que, tout comme moi, vous estimez que l'aggravation continue des inégalités en matière d'exposition aux risques environnementaux est une source majeure de préoccupation. Aujourd'hui, l'OMS publie le tout premier recueil d'informations factuelles à ce sujet provenant de l'ensemble de la Région européenne. Cette étude révèle des disparités très importantes en ce qui concerne la répartition sociale de l'exposition environnementale et de la mortalité et de la morbidité y afférentes. Ces inégalités sont évidentes entre les pays comme dans chacun des pays.

Cette répartition inégale des risques environnementaux est liée à des facteurs économiques, tels que le revenu, le statut social, l'emploi et le niveau d'instruction, ainsi qu'à des facteurs sociaux non économiques tels que le sexe, l'âge et l'ethnicité. Les segments vulnérables de la société peuvent être particulièrement plus exposés à des risques environnementaux évitables. Dans certains cas, le taux d'exposition peut être deux fois supérieur, voire même davantage.

Si les groupes socialement défavorisés supportent la plus grande charge d'exposition aux risques environnementaux, nous savons également que les risques sanitaires, les taux d'incidence des maladies et les risques d'exposition environnementale suivent un gradient social manifeste dans la société dans son ensemble. Ces tendances et statistiques déconcertantes, et les informations factuelles prouvant l'efficacité des politiques de prévention, justifient dans une large mesure le renouvellement de l'alliance stratégique entre les secteurs de l'environnement et de la santé.


Distingués collègues,

Nous ne pouvons ignorer ces faits quand nos activités de recherche semblent conduire à la conclusion que, si des politiques adéquates sont mises en œuvre, la charge globale de morbidité pourrait être réduite de près de 20 %. En d'autres termes, un cinquième des plus de 1,7 million d'années de vie perdues chaque année pourrait être évité en améliorant les environnements naturels et créés par l'homme.

Des interventions éprouvées en matière d'environnement et de santé pourraient en effet sauver annuellement 1,8 million de vies dans la Région européenne. Nous pourrions sauver un nombre total de 6 millions d'années de vie en bonne santé chez les enfants et les adolescents en améliorant les politiques relatives à l'air, à l'eau, aux substances chimiques et aux transports. Nous pourrions également réduire l'incidence des troubles gastro-intestinaux et des maladies diarrhéiques de 26 % en assurant l'accès à l'eau salubre et à un assainissement adéquat à davantage de ménages.


Mesdames et Messieurs,

Je sais que nous pouvons mieux faire. Nous devons agir, et nous devons agir maintenant. Cette Conférence devrait être une étape importante dans l'histoire du processus européen Environnement et santé. Je crois fermement que les considérations en matière de santé publique et d'équité en santé constituent un argument fondé sur des bases factuelles, à la fois puissant et politiquement convaincant, venant appuyer les efforts de réformes de bon nombre de politiques environnementales.

Notre conception de la prévention des maladies, de la promotion de la santé et de l'environnement nécessitera un véritable changement de valeurs. Il faut une approche qui soit globale et s'applique à toutes les situations, qui prenne en compte la santé et les inégalités sanitaires dans tous les domaines de la politique environnementale, notamment en intégrant les mécanismes de responsabilité sanitaire dans les politiques.

J'irai même plus loin en déclarant que les considérations en matière de santé et d'inégalités sanitaires doivent être intégrées à l'ensemble des politiques des pouvoirs publics et des programmes nationaux de développement, en particulier dans les secteurs industriel et des transports. Les programmes des pouvoirs publics doivent accorder autant de priorité à la durabilité, au bien-être et à la justice sociale qu'à la lutte contre le changement climatique ou à la croissance économique.

Les déterminants sociaux de la santé sont particulièrement essentiels pour comprendre les inégalités sanitaires, et ils jouent un rôle primordial dans l'élaboration de solutions durables en vue d'atténuer ces importants problèmes sociaux. Or, nous ne pourrons aplanir les inégalités sanitaires et nous approcher de l'objectif de bâtir des sociétés plus justes sans l'adoption d'une législation plus efficace, de programmes plus complets de réduction de la pauvreté et d'encadrement social, et de stratégies nationales visant à lutter contre ces inégalités.


Mesdames et Messieurs,

Garantissons une plus grande collaboration intersectorielle, et adaptons nos méthodes de travail afin de prendre en compte l'évolution des politiques au niveau mondial et la modification des mécanismes de gouvernance. Nous ne pouvons plus ignorer le fait que les défis du XXIe siècle, de plus en plus complexes, exigent des solutions du XXIe siècle. Choisissons d'appliquer de nouvelles méthodes de sensibilisation, de gestion et d'intervention, à tous les niveaux, face aux défis de santé publique.

Concentrons-nous sur les synergies et maximisons l'impact des politiques concertées, en travaillant simultanément aux niveaux international, national et local.

Saisissons les occasions qui se présentent, et ne permettons pas aux difficultés contingentes de ralentir nos efforts. Les investissements consentis aux technologies plus propres et plus saines présentent de nombreuses possibilités de croissance sociale et économique. Les investissements consentis aux emplois verts affichent aussi un énorme potentiel. La mise en place d'un processus d'élaboration de politiques proactives et globales, et de sensibilisation à de telles politiques, est le seul moyen de convaincre d'autres segments du gouvernement et de la société que la santé n'est pas une malheureuse dépense publique, mais bien un moyen d'améliorer l'économie et la qualité de vie et, au final, d'approcher l'objectif de bâtir des sociétés plus justes et plus équitables.


Distingués délégués,

Le processus européen Environnement et santé a été une grande source d'inspiration en ce qui me concerne de par sa capacité d'engager de nouveaux partenaires et de s'adapter à l'évolution de l'environnement mondial.

Comme beaucoup d'entre vous le savent, je suis profondément convaincue que nous avons besoin d'une nouvelle vision en matière de politique européenne de la santé, une vision qui peut inspirer et orienter les pouvoirs publics et un plus grand nombre de parties prenantes. Nous avons besoin d'une nouvelle stratégie qui soit globale et basée sur des valeurs, une stratégie qui fasse de la santé une responsabilité horizontale au niveau des pouvoirs publics. Je me suis engagée à adapter les activités du Bureau régional à l'évolution du contexte européen et mondial et, durant mon mandat, j'ai l'intention d'aborder en particulier la lutte contre les maladies non transmissibles, l'action sur les déterminants socioéconomiques de la santé, l'information sanitaire et les systèmes de santé. Le processus européen Environnement et santé est inhérent à tous ces domaines.

Je voudrais engager un dialogue plus approfondi avec les partenaires et tirer parti des synergies existant entre les différents acteurs nationaux et internationaux investis d'un mandat en santé publique. Je voudrais que le Bureau régional de l'OMS pour l'Europe soit le fleuron de la santé publique. Mais, pour ce faire, je sais que nous devons établir un partenariat plus fort et plus stratégique avec la Commission européenne et ses agences au niveau européen et, ce qui est même plus important, au niveau national.

Je m'engage à poursuivre un "dialogue constructif " avec tous les partenaires clés, en particulier la Commission économique pour l'Europe des Nations Unies et d'autres agences des Nations Unies, le Conseil de l'Europe, la Banque mondiale, l'Organisation de coopération et de développement économiques, le Fonds mondial, les organisations non gouvernementales, le secteur privé, les organismes universitaires et de recherche, et beaucoup d'autres.

Je voudrais profiter de cette occasion pour reconnaître le rôle important du Comité européen de l'environnement et de la santé, dont les membres collaborent en partenariat depuis de nombreuses années, et supervisent la coordination et le suivi des résultats des conférences ministérielles. Je tiens également à remercier les docteurs Corrado Clini et Jon Hilmar Iversen qui, en présidant efficacement le Comité européen de l'environnement et de la santé, nous ont permis d'être là aujourd'hui. Je voudrais remercier le gouvernement italien qui nous accueille cette semaine à Parme. Nous savons que vous avez consenti de nombreux efforts pour que cet événement soit une réussite, et nous vous sommes reconnaissants.

Ensemble, par notre engagement, par notre collaboration améliorée à différents niveaux de gouvernance et par nos nouvelles méthodes de travail, nous pouvons faire avancer ce processus et aboutir à des résultats dont nous sommes tous fiers. En ce qui me concerne, en ma qualité de directrice régionale de l'OMS pour l'Europe, j'accorderai la priorité au renforcement du processus européen Environnement et santé.

Mes actions s'appuieront sur les fondements établis par mes prédécesseurs, à qui je serai éternellement reconnaissante. Je voudrais rendre particulièrement hommage aujourd'hui au docteur Jo Asvall qui a occupé le poste de directeur régional de l'OMS pendant 15 ans. Jo Asvall est malheureusement décédé le mois dernier à la suite d'une maladie qu'il a combattue pendant plus de deux ans. Il portait avec brio le flambeau de la santé publique en Europe, et menait une lutte acharnée pour les droits d'autrui. Lors de son dernier discours au Bureau régional il y a six semaines, ses mots ont été les suivants : " Faites preuve de courage et soyez disposés à prendre des risques. Veillez également à ce que vos actions reposent sur un mandat constitutionnel. "

Ce message nous concerne tous, et doit tous nous inspirer. Nous sommes ici à cette Conférence parce que, dans nos nombreuses capacités, nous avons été investis du mandat d'améliorer la situation sanitaire de 890 millions de citoyens au total, afin d'assurer leur droit à la santé et de défendre les valeurs qui inspirent nos efforts, à savoir les droits de l'homme, l'universalité, la solidarité, l'équité, la participation et l'accès à des soins de santé de qualité. Nous ne pourrons traduire ces valeurs en gains concrets pour la santé de nos sociétés qu'en collaborant et qu'en prenant des risques.


Mesdames et Messieurs,

Vous avez conçu et encouragé le processus, et vous en avez assuré le déroulement malgré les nombreux revers et difficultés. Quittons cette Conférence avec une orientation plus claire et une vision plus forte des efforts qui restent à accomplir, afin de protéger les populations les plus vulnérables contre les environnements insalubres auxquels elles sont encore exposées.

Je suis convaincue que nous aboutirons à d'importants résultats lors de cette Conférence, et j'attends avec impatience d'entendre vos contributions et de collaborer avec vous. À vous tous, je vous souhaite d'intéressants débats et un excellent séjour dans la ville de Parme.

Je vous remercie.