« Des bonnes données mettent en évidence l’ampleur du problème de santé, et une bonne information vous donne une idée de la manière de le résoudre. »

RIVM

Peter Achterberg (troisième à partir de la gauche), avec ses collègues du RIVM : Marieke Verschuuren, Cindy Deuning, Maaike van der Noordt, Martin Kosterman, Jan de Bruijn, Laurens Zwakhals, René Mondeel et Hans van Oers, collaborant à l’initiative d’information sanitaire avec l’OMS/Europe. Photo : RIVM

Entretien avec Peter Achterberg, RIVM

Traduire les données en politiques

« De la collecte de données et de l’enrichissement des bases factuelles à la formulation de recommandations et, ensuite, à l’élaboration de politiques de santé, la route est longue et difficile. Aux Pays-Bas, nous recueillons beaucoup de données qui sont ensuite traduites en analyses, rapports et contenu de sites Web. Elles sont combinées à des bases factuelles qui, en fin de compte, permettent de définir des segments importants de nos politiques de santé nationales et régionales.

On oublie souvent que le processus implique au départ un grand nombre de personnes qui collectent des données dans des domaines particulièrement divers. En cas d’arrêt du processus, certaines problématiques vont disparaître de l’ordre du jour, ou de nouvelles ne seront pas prises en compte. Quand vous devrez faire face à ces problèmes, il sera dès lors trop tard. Cela peut également vous ôter la possibilité de mieux comprendre la situation et de disposer de meilleures connaissances, le genre de connaissances dont vous avez d’ailleurs besoin pour intervenir. »

Les bienfaits de la comparaison

« Je me rends compte que l’échange et la comparaison des données peut constituer un défi sur le plan politique. Nous savons que certains pays figureront toujours au sommet du classement, même si je sais que chacun d’eux est confronté à certains problèmes qui les relèguent à une MOINS BONNE PLACE dans cette catégorie. Si nous courons le risque de nous concentrer trop souvent sur les extrémités négatives des comparaisons, de les couvrir de reproches et de honte, en réalité, ces comparaisons devraient générer des ambitions dans ces pays, et les inciter à progresser et à remonter dans le classement. Les données prouvent en fait que c’est possible !

Les comparaisons internationales confèrent à nos analyses une dimension supplémentaire, et cela a vraiment fonctionné aux Pays-Bas. Elles nous ont aidés à identifier des problèmes que nous ignorions, à observer ce qui se faisait dans d’autres pays, et à nous demander comment ils avaient obtenu de bons résultats et si nous pouvions profiter de leurs bonnes pratiques. Il en fut souvent de même pour l’OMS grâce aux données particulièrement éloquentes provenant de la base de données de la Santé pour tous, qui constitue toujours un outil précieux pour les comparaisons internationales.

Il y a environ dix ans, nous avons rédigé un rapport sur la mortalité périnatale aux Pays-Bas. Celui-ci a en fait révélé, sur la base des comparaisons internationales, que nous avons en fait perdu des places au classement pour atteindre des niveaux inattendus. Il a fallu un certain temps pour que ce message se fasse entendre, et il a dû être répété maintes fois. Il importe de sensibiliser les acteurs sur le terrain, et les médias doivent susciter un débat public et politique sur la question. D’ailleurs, cela a finalement entraîné des changements en matière de politique et le déploiement d’efforts considérables pour résoudre les problèmes sous-jacents. Des mesures ont ensuite été prises dans les domaines de la prévention et de l’amélioration de la qualité des soins de santé. »

Lutter contre les inégalités

« Selon moi, le problème des inégalités de santé, qui est au cœur de la santé publique, est également un problème d’inégalités en matière d’information sanitaire. Cette situation empêche largement les pays présentant des inégalités de santé de réaliser des progrès à cet égard. Ils peuvent notamment profiter de l’échange des meilleures pratiques, en particulier dans le domaine de l’information sanitaire.

En raison de son expérience dans le domaine de l’information sanitaire et de sa capacité à fédérer les parties prenantes, j’ai la conviction que l’OMS/Europe peut et doit agir comme le principal chef de fil dans cette énorme tâche, et que le RIVM, avec d’autres partenaires à l’avenir, devrait viser à en assurer le dynamisme ainsi que la durabilité nécessaires. Si les données et l’information sanitaires (« l’intelligence sanitaire ») sont toujours de la plus haute importance, elles ne sont presque jamais considérées comme urgentes.

Il importe d’observer comment font les autres pays, et ce que nous pouvons apprendre les uns des autres. Adopter une perspective internationale constitue le test ultime afin d’évaluer son efficacité sur le plan national, et ainsi de tester ses connaissances et compétences par rapport aux autres. Je suis vraiment engagé à faire participer d’autres pays à cette initiative menée conjointement avec l’OMS/Europe en vue d’améliorer les données et l’information sanitaires en Europe.

J’estime que le nouveau portail d’information sanitaire, une ressource en ligne que nous élaborons actuellement dans le cadre de cette initiative, ne sera pas seulement le site à consulter pour obtenir des données dans le domaine de la santé, mais il comprendra également des instruments et des outils pour l’information sanitaire. J’espère qu’il permettra d’indiquer comment trouver et utiliser les éléments de preuve, où se trouvent les compétences et l’expertise pertinentes, et avec qui engager une discussion.

Si le portail de la santé est le premier outil concret que nous pouvons offrir aux pays, dès qu’ils commenceront à l’utiliser, ils se rendront compte qu’ils peuvent également y contribuer. »

Besoin d’une coordination à long terme

« Étant donné la présence de plusieurs acteurs dans le domaine de l’information et des données en Europe, à savoir notamment l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), l’OMS, la Commission européenne et Eurostat, des problèmes de coordination peuvent survenir, mais des mesures importantes sont prises afin d’améliorer la situation à cet égard. Le financement durable est également un problème. J’ai été témoin de la mise en œuvre de plusieurs projets pertinents et d’efforts de collaboration à cette fin, et puis le financement s’est tari. Si vous avez de la chance, l’ensemble des richesses amassées sont disponibles sur Internet, sinon, elles sont malheureusement enfouies quelque part au fond d’un tiroir. Ensuite, un projet portant sur la même problématique est de nouveau mis en œuvre.

Actuellement, l’OMS s’associe avec des experts à diverses occasions bien précises, mais je voudrais que le rôle pivot de l’OMS/Europe à cet égard soit plus constant. Le Bureau régional devrait plus souvent réunir de nombreux réseaux d’experts et travailler avec eux, et collaborer avec des organisations telles que l’OCDE et Eurostat pour éviter les doubles emplois et les répétitions, et veiller à un échange des connaissances et des compétences.

Cette initiative, je pense, peut être décisive dans la mesure où elle permettra d’assurer le soutien à la mise en œuvre de la stratégie de l’OMS Santé 2020 en impliquant les États membres et d’autres partenaires d’une manière très directe. »

Une initiative empreinte de souplesse

« Pour l’instant, comme cette initiative s’inscrit dans le cadre d’un projet sous l’égide du RIVM, nous n’avons donc pas besoin d’une structure distincte en termes de personnel, de bâtiment, de conseil d’administration, etc. Cette situation témoigne de l’évolution même de la perspective des pouvoirs publics nationaux face à la crise économique actuelle, et de leur réticence à soutenir, par exemple, de nouveaux instituts caractérisés par un manque de souplesse et une lourdeur administrative. Actuellement, la mission fondamentale de cette initiative occupe 4 à 5 personnes au RIVM, et 3 à 4 informaticiens se concentrent sur les aspects technologiques du portail.

Comme nous soutenons également l’OMS dans ses efforts visant à réunir des experts en la matière, un nombre beaucoup plus important de personnes provenant de l’Europe entière participent d’une manière souple à cette initiative. »

Développer notre collaboration avec l’OMS

« La collaboration avec l’OMS a toujours été positive à notre égard. Les Pays-Bas ont toujours largement contribué à l’Organisation. Notre gouvernement entretient un programme de partenariat avec l’OMS pour les détachements de personnel et des projets communs. Le RIVM a, par exemple, récemment signé un accord avec l’OMS/Europe pour mener des activités dans le domaine de la résistance aux antimicrobiens, et cette initiative en matière d’information sanitaire en constitue un autre exemple.

Lorsque l’on me demande ce que cela représente pour les Pays-Bas, je peux affirmer que nous visons notamment à participer à des réseaux internationaux et à tester nos connaissances et notre expérience. Je partage également l’ambition de mon directeur : faire du RIVM l’un des meilleurs instituts de santé publique en Europe. À cette fin, il faut collaborer et s’ouvrir sur le monde. Cette initiative peut justement nous aider à y parvenir.

L’initiative que nous venons de lancer avec l’OMS est dans notre intérêt mutuel, et nous espérons attirer d’autres collaborateurs pour en faire un partenariat auquel tout le monde peut participer et, finalement, d’accélérer la collecte des bases factuelles pour les responsables politiques.

Notre projet, cependant, doit évoluer comme un cristal, c’est-à-dire d’une manière structurée. Nous voulons aussi engager d’autres États membres, car seuls, nous n’y parviendrons pas. S’assurer que nous œuvrons réellement en étroite collaboration avec autant de partenaires que possible dans ce domaine constituera un autre défi majeur. »

À propos de Peter Achterberg

Peter Achterberg est conseiller principal à l’Institut national pour la santé publique et l’environnement (RIVM) de Bilthoven (Pays-Bas). Après avoir intégré le RIVM pour publier son premier rapport national sur la santé, il décrit ses activités actuelles à l’Institut de la manière suivante : « obtenir autant de comparaisons internationales que possible pour préparer notre politique de santé nationale ». Il a travaillé dans divers projets internationaux et groupes consultatifs, et lancé la nouvelle initiative sur l’information sanitaire entre l’OMS/Europe et le RIVM. Le docteur Achterberg a d’abord étudié la biochimie et la psychologie et est titulaire d’un doctorat en médecine dans le domaine du métabolisme cardiovasculaire.