Une méthodologie de l’OMS permet de définir les causes à l’origine des faibles taux de vaccination et de protéger ainsi la santé de tous
La sous-vaccination peut provoquer des flambées épidémiques de dangereuses maladies à prévention vaccinale. Les recommandations élargies présentées dans un nouveau document de l’OMS/Europe permettent de recenser les raisons pour lesquelles certaines personnes ne sont pas vaccinées, et d’adapter les interventions en vue d’éliminer les obstacles auxquels elles sont confrontées. L’objectif est de garantir un accès équitable pour tous à la protection sanitaire offerte par les vaccins.
Depuis le début de cette année, le Kirghizistan, un pays pourtant caractérisé par une couverture vaccinale élevée, a été confronté à plus de 2 000 cas de rougeole. De nombreux pays se retrouvent dans cette même situation paradoxale : si certains groupes de population accusent un faible taux de vaccination, ils sont vulnérables à la propagation de la rougeole une fois que le virus fait son apparition dans la communauté.
« La situation observée au Kirghizistan confirme qu’avoir des taux de vaccination élevés au niveau national ne suffit simplement pas », explique Katrine Bach Habersaat de l’OMS/Europe. « Il faut tenir compte des groupes de population faiblement vaccinés, et il faut comprendre et surmonter les obstacles spécifiques qui les empêchent de se faire vacciner. Dans le cas du Kirghizistan, il s’agit de personnes qui émigrent des zones rurales vers les zones urbaines à la recherche d’un emploi et d’un revenu. »
Au Kirghizistan, les recherches menées selon l’approche TIP (programmes adaptés de vaccination) de l’OMS ont aidé les autorités sanitaires à définir l’une des causes profondes de la flambée épidémique – à savoir la non-prise en compte d’un obstacle législatif auquel sont confrontées les personnes migrant des zones rurales vers les villes en quête d’emploi – et à prendre les mesures nécessaires pour que les vaccins soient administrés à ceux qui en ont le plus besoin.
De nouvelles recommandations
L’approche TIP a été mise au point par l’OMS/Europe en vue de recenser les groupes sous-vaccinés et de comprendre les obstacles auxquels ils sont confrontés en matière de vaccination. Ces obstacles peuvent découler d’une série de facteurs, tels que l’incapacité des agents de santé à apporter le soutien nécessaire, la mise en place de services peu pratiques, le manque de confiance dans les autorités sanitaires ou la législation, comme ce fut le cas au Kirghizistan. Enfin, des interventions visant à accroître la vaccination peuvent être conçues sur la base des résultats engendrés lors de la phase de recherche.
Il a été récemment procédé au lancement d’une nouvelle version révisée du document d’orientation sur l’approche TIP. Celle-ci s’inspire des enseignements tirés de la mise en œuvre dans plusieurs pays depuis 2013, et sur un examen approfondi de l’approche TIP par une équipe d’experts mondiaux.
Les éléments suivants sont à la base de l’approche TIP :
- des valeurs et principes clés, tels que la participation des acteurs concernés et la réalisation d’une réflexion centrée sur la personne ;
- un modèle théorique (analyse des comportements) ;
- un processus progressif assorti de recommandations claires à l’intention des responsables de la mise en œuvre dans les pays.
Katrine Bach Habersaat évoque les avantages concrets de cette méthode : « en comprenant les obstacles et les comportements, nous sommes en mesure de concevoir des interventions qui visent à accroître le recours à la vaccination, et ciblent les problèmes auxquels sont réellement confrontées les populations. Cela peut avoir d’innombrables avantages pour la santé, notamment chez les groupes marginalisés ou chez ceux qui, pour quelque raison que ce soit, n’ont pas confiance dans les autorités sanitaires. »
Exemples nationaux
L’adoption de l’approche TIP a déjà généré des avantages concrets pour les systèmes de santé de la Région européenne de l’OMS. On mentionnera notamment à cet égard la réalisation de 13 projets TIP avec divers groupes, dont des communautés vulnérables, des parents qui hésitent à faire vacciner leurs enfants et des agents de santé.
Dans le cas du Kirghizistan, un examen de la législation, mené dans le cadre d’un projet TIP, a révélé qu’une loi constituait en fait une entrave au droit constitutionnel d’être vacciné. Celle-ci exigeait en effet que les migrants internes disposent d’un permis de séjour dans leur nouveau lieu de résidence avant de pouvoir s’inscrire dans un établissement de santé. Or, les migrants les plus vulnérables n’obtenaient pas toujours facilement ces permis de séjour. Pour résoudre ce problème, un nouvel arrêté ministériel a été adopté afin d’octroyer aux migrants urbains le droit de se faire vacciner et ce, quel que soit leur lieu de résidence. Le personnel des établissements de santé a également suivi une formation pour veiller à ne laisser personne de côté.
L’approche ne se limite pas à certains groupes de population au sein de la société. Un projet TIP mené en Arménie s’est concentré sur les spécialistes médicaux. L’étude a permis de formuler, à l’intention des agents de santé, une stratégie de demande de vaccins assortie de 7 interventions ciblées. Des ressources ont été mises en place pour mener certaines de ces interventions, notamment des activités de sensibilisation et de participation pour et avec les agents de santé.
En Fédération de Bosnie-Herzégovine, où le taux de vaccination est faible, 3 études approfondies ont été réalisées sur la base de l’approche TIP. Il est actuellement procédé à l’élaboration d’une stratégie de sensibilisation à la vaccination sur la base des connaissances comportementales acquises en vue de plaider en faveur de la mise en œuvre et de l’investissement. Plusieurs interventions ont été réalisées dans ce domaine ou sont actuellement prévues. Un nouveau système de rappel sera mis à l’essai et évalué l’an prochain avec l’appui de l’OMS.
Développement de l’utilisation et les applications de l’approche TIP
Afin de renforcer les capacités de mise en œuvre de l’approche TIP dans les États membres, l’OMS/Europe organise chaque année une Université d’été pour l’analyse comportementale axée sur la vaccination. Le cours a été élaboré en collaboration avec l’Université d’Erfurt (Allemagne). Selon l’évaluation de l’université d’été, les participants ont non seulement amélioré leurs connaissances et leurs compétences, mais ils ont également pu appliquer le savoir acquis dans leur propre pays.
L’approche TIP suscite également l’intérêt d’autres pays à travers le monde, et a été adoptée dans divers États membres, de l’Australie à la Mauritanie. En octobre 2019, l’OMS/Europe a aidé l’initiative australienne Collaboration on Social Science and Immunisation à organiser l’Université d’été pour l’analyse comportementale à l’intention de participants d’Australie et d’autres pays de la Région du Pacifique occidental de l’OMS. En outre, l’Organisation panaméricaine de la santé procède actuellement à la traduction en espagnol du document d’orientation sur l’approche TIP, et des projets pilotes sont prévus dans 2 pays d’Amérique du Sud en 2020.
L’OMS/Europe a adapté l’approche TIP pour inclure, outre la vaccination, la résistance aux antimicrobiens. La stratégie de base de cette approche peut d’ailleurs être appliquée à tout un ensemble d’autres programmes de santé.